Peertube : https://tube.kher.nl/video-channels/mangayoh_channel/videos
Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCImVxjIl3rIEoQIqeDIvKfA/videos

La vidéo sur Peertube et Youtube :

L’écologie, un sujet souvent mal traité et pour lequel on peut lire et entendre énormément de choses, vraies comme fausses, et il n’est pas toujours facile de faire le tri. D’autant qu’on se rapproche des élections, et on entend une pluralité de discours pas toujours factuels.

Et peut-être que parmi ces discours non factuels, il y a nos propres positions, peut-être faut-il douter de certaines choses dont on est persuadé, et envisager que d’autres points de vue sont davantage pertinents. Et du coup, comment faire le tri parmi tous ces discours et ces informations, et éviter de persister dans des croyances fausses ?

Il nous faut être prudent face à nos préconceptions, et éviter d’avoir des positions dogmatiques, car ça peut nous mener à agir de manière contraire à nos intentions.

Ici, on va donc parler d’écologie, mais surtout de comment aborder ce sujet de manière rationnelle, pour ajuster nos croyances aux données factuelles.

Si vous n’êtes pas à l’aise avec les notions relatives au scepticisme et à la méthodologie scientifique, je vous renvoie vers cette vidéo d’introduction. Mais pour résumer l’idée générale, en science, on veut avoir des connaissances qui soient au plus proche de la réalité. Et donc, on essaie d’être toujours prêt à se remettre en question et d’envisager qu’on a possiblement tort sur certains sujets. On s’oppose donc au dogmatisme, qui est le fait de s’accrocher à nos idées et de considérer qu’elles sont forcément vraies, puisque là, si l’on a tort, on ne pourra pas s’en rendre compte.

Éviter le dogmatisme, ça nécessite d’être prêt à changer d’avis même sur les trucs qui nous semblent évident. Il arrive qu’on en vienne à s’attacher à nos idées et à ne plus les défendre pour leurs conséquences, mais pour elles-mêmes.

Si on est pro ou anti-nucléaire, pro ou anti-bio, etc. Est-ce qu’on veut défendre cette position quel que soit son impact réel ? Ou est-ce qu’on défend notre position parce qu’on pense qu’elle a de bonnes conséquences ? Ce qui implique d’être prêt à changer d’avis si notre idée n’a pas les conséquences attendues.

Évitons alors de considérer les différentes options comme intrinsèquement bonnes ou mauvaises, mais comme des outils d’atteindre certains buts moraux ou politiques. De fait, il n’y a un intérêt à défendre ces idées qu’en fonction de leur impact sur ces objectifs-là.

Ça implique évidemment d’avoir défini quels sont nos objectifs, pourquoi nous sommes écolo, sujet d’une précédente vidéo. J’avais défendu la thèse sentientiste qui présuppose que l’écologie doit être un moyen de réduire les nuisances faites aux êtres sentients. Mais pour la suite de cette vidéo, nul besoin qu’on ait les mêmes objectifs. En revanche, il vaut mieux être dans une démarche où l’on est prêt à changer d’avis si jamais on se trompe.

Je précise aussi que je ne prétend pas être expert, et que mon but ici n’est pas de vous dire ce qu’il faut penser, mais de voir comment aborder ces sujets pour pouvoir ensuite se renseigner en évitant de tomber dans les confusions les plus courantes.

Et pour ça on va se centrer sur deux grandes thématiques : l’énergie et l’agriculture.

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉLECTRIQUE :

Quand on parle de la production d’énergie, on pense souvent à la production d’électricité. Mais l’électricité, c’est une partie de la consommation d’énergie (à peu près 18%), et changer la production électrique, ce n’est pas faire une transition énergétique.

Donc si l’on arrive à faire une électricité la moins polluante possible, c’est bien, mais il reste les 80% d’énergie non-électrique à changer, et qui sert par exemple aux transports, à l’industrie, aux chauffages, etc.

Les hydrocarbures ou énergies fossiles, donc gaz, pétrole et charbon, ont un énorme impact environnemental, avec notamment une forte contribution au changement climatique, bien plus que les autres formes d’énergies.

Et la difficulté ici est que malgré ces inconvénients, nos sociétés sont grandement dépendantes à ces énergies notamment au pétrole qui fait tourner plus de 90% des transports.

Si l’on considère qu’il est impératif de sortir au plus vite des énergies fossiles, ce que je pense, il faut se rendre compte des conséquences que ça implique. Il y a heureusement des moyens de diminuer la consommation d’énergie sans diminuer le niveau de vie, comme avec l’isolation thermique, mais ce ne sera pas suffisant. Et il paraît très peu probable qu’on puisse retirer plus des ¾ de l’énergie qu’on utilise sans que ça se répercute sur le niveau de vie occidental. On peut l’espérer, mais il serait peu prudent d’attendre d’être certain d’un effondrement imminent pour envisager de restreindre la production et la consommation. Et quand on ajoute sortir des énergies fossiles et du nucléaire, ça veut dire une baisse d’autant plus drastique.

Et ça ne pose pas de soucis de revendiquer ce type de scénario si l’on considère que c’est la meilleure option, moi-même je suis favorable à une grande baisse de la consommation puisqu’on produit trop, dont beaucoup de choses pas très utiles. Mais pour qu’une réflexion politique soit faite en connaissance de cause, il faut informer et être informé·e des implications potentielles de chaque idée, pour anticiper et réfléchir aux secteurs de production à privilégier ou non.

Attention aussi à la binarité entre les bonnes et les mauvaises sources d’énergies. Il n’y a aucune énergie parfaite ou “verte”, elles ont toutes des avantages et inconvénients qu’il faut peser. Les énergies renouvelables (qui ne participe qu’à la production électrique, excepté la biomasse), qu’on abrège ENR, ont elles aussi des conséquences environnementales non négligeables : elles ont des conséquences sur la biodiversité, elles peuvent nécessiter d’ énormes quantités de matériaux, comme du béton ou des métaux, avec les impacts environnementaux qui vont avec. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas les utiliser, mais juste qu’elles ne sont pas des solutions miracles et qu’elles ont aussi des inconvénients.

Même l’hydroélectricité en a : impacts lors de la construction, déplacement de populations, et un barrage qui casse ça peut faire des inondations entraînant des dégâts considérables, y compris des centaines de décès comme au Malpasset en France. Voire des milliers comme au Barrage de Banqiao en Chine.

Pour autant, on n’entend personne dire qu’il faudrait sortir de l’hydraulique, et c’est dû au fait que ça a beaucoup d’autres avantages. Sans être parmi les moins émetteur, ça ne produit pas trop de gaz à effet de serre, c’est renouvelable, ça permet de stocker de l’énergie pour la réutiliser plus tard (grâce aux STEP) et c’est une énergie pilotable (c-a-d qu’on peut avoir l’électricité quand on en a besoin). Ces derniers avantages permettent de compenser – en partie – l’inconvénient majeur des énergies intermittentes.

(Les Stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) consistent à remonter de l’eau pour stocker de l’énergie électrique dans des bassins lorsque la production d’électricité est supérieure à la demande, puis de réutiliser l’eau lorsque la demande électrique est forte).

GÉRER L’INTERMITTENCE

Les énergies intermittentes comme l’éolien et le photovoltaïque ne produisent que s’il y a respectivement du vent et du soleil. Et ça ne signifie pas que les éoliennes et les PV sont nuls et qu’il ne faudrait pas en produire, mais juste qu’on ne peut pas faire un parc électrique 100% renouvelable si facilement.

Cet inconvénient de l’intermittence augmente en fonction de la proportion de ces énergies dans le parc électrique total, parce que moins on a d’autres énergies pilotables en proportion, moins on va pouvoir compenser les moments où la production des énergies intermittentes est trop basse par rapport à la consommation, ce qui rend le réseau électrique instable. Et du coup, pour compenser l’intermittence, on doit utiliser différentes solutions, non exclusives :

La première, c’est de coupler ces énergies avec des énergies pilotables pour compenser. Avec donc l’hydraulique, la biomasse, le gaz, le nucléaire et le charbon.
Et attention, il est possible d’avoir du 100% ENR dans un pays, mais d’acheter l’électricité ailleurs quand on en manque. Mais si l’on cesse d’utiliser une source d’énergie pour ensuite acheter la même en provenance d’ailleurs, on ne fait que déplacer le problème chez les autres.

– La deuxième option, c’est faire en sorte que l’hydraulique occupe une part suffisante dans le mix électrique pour compenser à lui seul l’intermittence. Ce qui suppose forcément une grosse baisse de consommation, puisque la géographie limite le déploiement de l’hydraulique. Dans pas mal de pays, dont la France, on ne peut plus beaucoup l’augmenter (je parle ici des barrages mais je n’ai pas vérifié pour les hydroliennes).

– La troisième, c’est simplement d’accepter des coupures de courant régulières et d’adapter notre consommation à la production et donc aux aléas environnementaux. Je doute que beaucoup de gens soient enclins à l’accepter, mais c’est une question qu’il convient de réellement se poser dans la société.
On peut aussi déplacer certaines consommation à des moments ou la production est plus forte ; c’est ce qu’on appelle l’effacement, et c’est ce qu’on encourage à faire avec les tarifs heures pleines / heures creuses.
Et on peut aussi faire des contrats avec des industries pour qu’elles acceptent d’arrêter momentanément leur activité pendant les périodes de forte consommation.

– Et enfin, on a la solution du développement massif de systèmes de stockages par batterie ou au travers de l’hydrogène.
(l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, il faut d’abord convertir une énergie en hydrogène (avec les pertes au moment de la conversion), et donc l’impact dépendra de la source d’énergie primaire. Genre si on fait de l’hydrogène avec du charbon, c’est pas le top).
C’est une option qui peut être très attrayante pour maximiser la part des ENR sans être dépendant des aléas météorologiques ou de passer par une colossale baisse de consommation. Mais bien sûr il y a des inconvénients : les ressources nécessaires, l’impact de la production, mais aussi le temps nécessaire au déploiement. De fait on peut très bien souhaiter développer ces systèmes, tout en considérant que tout miser là-dessus sans assurer le risque d’échec serait imprudent puisque rien ne dit qu’on sera effectivement en mesure de les déployer suffisamment vite.

Et bien sûr, on peut faire un mix de tout ça, on peut diminuer la consommation, développer du stockage, garder un peu de nucléaire, voire du gaz ou du charbon. L’idée ici n’est pas de trancher sur quelle proportion on doit donner à chacune de ces options, mais de savoir que le sujet est complexe et qu’il faut en passer par ces questions pour la transition électrique.

De fait quand on nous dit 100% d’électricité renouvelable, mais sans nous expliquer comment on va pallier l’intermittence, c’est signe que ça n’a pas été réfléchi… Et pourtant cela doit être précisé, sinon on nous induit en erreur et on ne pourra pas avoir tous les éléments pour faire les choix qui nous conviennent réellement.

Pour avoir un aperçu des différents scénarios de transition électrique possible, je vous renvoie vers le rapport RTE, ou des vidéos qui le résume bien (Osons Causer, Le Réveilleur)

Et forcément, quand on se pose la question du mix électrique, se pose la question du nucléaire. Encore un sujet où on se prononce parfois avec certitude alors même qu’on ne sait pas trop comment ça marche.

Nucléaire :

Avant d’aller sur les reproches légitimes faits au nucléaire, on peut passer sur les reproches qui ne le sont pas, et qui montrent un problème de désinformation sur le sujet, avec notamment le fait qu’il contribue beaucoup au changement climatique. Pas mal de gens pensent que le nucléaire émet beaucoup de GES, alors que ce n’est pas le cas, et qu’au contraire, c’est justement un argument en sa faveur.

Si l’on considère que la lutte contre le dérèglement climatique est le problème majeur, ça fait un argument de poids puisque ça permet de diminuer les énergies fossiles tout en compensant l’intermittence des ENR.

D’autant qu’on a toujours pas entamé une politique sérieuse de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique, avec des actions politiques qui ne correspondent pas à ce qui est recommandé par les scientifiques et où l’on empile les nouvelles énergies sans amorcer de baisse de la consommation.

Du coup, difficile de croire à un changement rapide et à une “sobriété énergétique bien calculée”. Et dans cette situation, il y a un risque que chaque térawatt-heure non produit par du nucléaire le soit par du fossile. Donc le nucléaire peut atténuer un peu tout ce qui n’a pas été fait en termes de lutte contre le réchauffement climatique et de dépendance aux énergies fossiles.

Ensuite, le gros de l’argument anti-nucléaire, c’est celui du danger. Là on est sur un argument qui peut faire lourdement pencher la balance suivant à quel point on estime l’ampleur du risque.

Une erreur qui est souvent faite ici, c’est de comparer un potentiel accident avec des accidents passés, notamment Tchernobyl ou Fukushima, alors qu’ils n’ont pas les mêmes types de réacteurs, ni les mêmes infrastructures. Et l’on a heureusement fait des progrès sur les normes de sécurité. Avant d’affirmer que c’est comparable, il faut s’assurer que la différence d’infrastructures n’implique pas de différence de danger.

Tchernobyl : Réacteurs à Tubes de Forces (RBMK).
Fukushima : Réacteur à Eau Bouillantes (REB)
En France : Réacteur à Eau Pressurisée (REP)

Mais si l’on veut comparer un potentiel accident avec un accident passé d’un réacteur du même type, alors on peut comparer à l’accident de Three Miles Island aux États-Unis, moins connu, mais pourtant plus proche de ce qu’on pourrait avoir en France. Bon il y a eu peu de conséquences hors dégâts matériels, du coup c’est moins spectaculaire que Tchernobyl et on en a beaucoup moins entendu parler. Il arrive également qu’on surévalue les dégâts : à Fukushima, on attribue souvent à l’accident nucléaire les 20 000 morts causés par le séisme et le tsunami.

Personnellement, je ne suis pas en mesure d’estimer la gravité d’un futur accident, par contre on peut regarder les dégâts qu’il y a déjà eu. Si l’on regarde le nombre de morts par unité d’électricité produite (donc sans même parler du réchauffement climatique), c’est encore les hydrocarbures qui ont des chiffres incomparablement plus élevés que ceux du nucléaire qui reste bien plus proche des ENR en nombre de morts comme vous le voyez sur le Schéma.

Un autre point à prendre en compte, c’est que pour diminuer au plus vite l’utilisation d’énergie fossile hors électricité, on peut électrifier une partie de la consommation énergétique, notamment pour les chauffages ou les transports. 

Mais si l’on électrifie une partie des 80% d’énergie actuellement non électrique, ça va nécessiter de produire davantage d’électricité. Et plus on repose sur l’électricité, plus c’est difficile de faire un parc électrique 100% ENR, et donc le nucléaire devient nécessaire pour ne pas se reporter sur du gaz ou du charbon.

Donc plutôt que de constamment opposer nucléaire et ENR, peut-être qu’on peut les voir comme complémentaires.

Et puisque j’ai mentionné l’électrification des transports, je ne peux pas passer à côté de la voiture électrique, sujet souvent pas très bien traité non plus.

Ici il y a 2 écueils à éviter, celui de l’idéalisation et celui de la dévalorisation avec de mauvais arguments.

Certains contre-arguments reposent sur une liste d’inconvénients de cette technologie. Par exemple, la fabrication nécessite beaucoup de métaux, avec tous les inconvénients de l’industrie minière, et a un plus gros impact environnemental que la fabrication des voitures thermiques. Et… de ce que j’en sais, oui, c’est vrai. Il ne faut pas idéaliser la voiture électrique. Mais qu’est ce qu’on fait des informations données telles quelles ? Pour qu’elles fassent sens, il faut comparer le bilan total aux alternatives.

Bon, compte tenu de ce qu’on a vu tout à l’heure, je ne pense pas que la voiture individuelle généralisée soit viable sur le long terme et que le parc automobile devrait être amené à réduire au profit des transports en commun, notamment des trains. Et qu’il faut donc développer le transport ferroviaire pour remplacer une partie du transport routier et aérien, et surtout ne pas fermer les gares, contrairement à ce qui a été fait durant ces dernières années.

Bref, la voiture électrique, à quoi on la compare ? Au bus ? Au train ? Aux avions ? à la voiture thermique ? Si c’est à une voiture thermique, il est vrai que le coût de production a davantage d’impact, mais est-ce qu’il est compensé par l’énergie utilisée ?

Et ben, ça dépend. Il faut surtout regarder avec quoi est produite l’électricité. Si l’on produit l’électricité avec du charbon, alors là l’impact sera bien pire que pour une voiture thermique, par contre si l’on utilise une électricité qui émet peu de GES, la voiture électrique aura moins d’impact, à condition d’avoir une durée de vie suffisante pour compenser.

Pour tous les sujets que je viens d’évoquer ici, je vous invite vivement à aller regarder les chaînes du Réveilleur et Écologie Rationnelle.

Je ne suis pas allé sur le terrain de la géopolitique, avec notamment les questions de souveraineté énergétique, de dépendance de l’Europe au gaz russe, question très d’actualité. Pour ça je vous renvoie vers les vidéos de osons causer qui aborde très bien les questions d’énergies et ajoute aussi l’angle géopolitique.

 Et pour finir sur ces questions d’énergie, un dernier point sur les potentielles énergies du futur.

Dans les prochaines années, on va voir arriver les réacteurs nucléaires de 4e génération, avec des avantages de sûreté, d’empreinte environnementale, et de gestion des déchets.

Et à encore plus long terme, on a la fameuse fusion nucléaire qui donnerait la possibilité d’avoir une énorme quantité d’énergie avec beaucoup moins de risque et d’impact environnemental que la fission nucléaire qu’on utilise actuellement.

Bon les questions d’échelle de temps font qu’il peut paraître très peu probable que la fusion nucléaire puisse remplacer les énergies fossiles dans les prochaines décennies, mais dans l’idée où ce serait possible, est-ce que ce serait une bonne chose ?

Et là on voit que la question est bien plus large que juste la production d’énergie, parce que si l’on reste dans le modèle économique actuel, qui cherche à produire toujours plus au profit d’intérêts privés et quelles que soient les conséquences, même si l’on arrête les gaz à effet de serre, on continuera à polluer et à saccager l’environnement.

Du coup, c’est super de chercher les sources d’énergies les plus écologiques, mais regarder ce qu’on produit avec a tout autant d’importance. Et l’accès à une énorme quantité d’énergie avec un faible impact environnemental n’est pas forcément gage de bonnes conséquences.

C’est pour ça qu’il faut penser la transition de manière systémique, c’est vraiment un changement de société qui est nécessaire, pas seulement un changement de l’énergie qu’on utilise.

Agriculture : Pesticides, Bio, OGMs…

L’alimentation est une partie importante de la transition écologique, avec ¼ des émissions de GES. Du coup c’est important de manger bio et local, et surtout sans pesticides et sans OGMs. Non ? Oui bon c’est peut être un peu plus compliqué.

Le “locavorisme”, donc consommer une production locale, c’est généralement bénéfique, mais il arrive qu’on en exagère les effets positifs.

Le transport, ça représente moins de 10% de l’impact environnemental d’un produit. Du coup, l’impact de nos alimentations dépend bien plus de notre régime alimentaire que de sa localité. Et si l’on veut diminuer l’impact du transport des aliments, mieux vaut surtout mettre fin au transport en avion qui est 50 fois plus polluant qu’un même transport en bateau. Et aussi, un même produit peut avoir plus ou moins d’impact, suivant l’endroit ou il est produit, à cause du climat local par exemple. Du coup il arrive parfois que certains produits soient moins écologiques en étant locaux.

Après le local reste une bonne chose pour la grande majorité des cas, mais il faut faire attention aux échelles. Sinon on en vient à des paradoxes, comme considérer la viande de bœuf locale comme écologique alors que le transport ne représente que 1% de l’impact carbone du bœuf.

Et d’ailleurs, on attribue souvent les inconvénients de l’élevage uniquement à l’élevage intensif, mais on retrouve pas mal de ces inconvénients dans l’élevage extensif, notamment l’occupation des sols et de GES.

De manière générale, on peut se poser la question de pourquoi on pense qu’il faut s’opposer ou défendre telle et telle pratique agricole. Est-ce qu’on est vraiment informé·e sur le sujet, est-ce qu’on a vraiment de bonnes raisons de tenir ces positions ?

Ensuite on peut faire attention à éviter certaines généralités, ou alors s’assurer que ces généralités sont pertinentes. Par exemple, quand on se dit contre les pesticides, contre les OGMs, est-ce que ce sont tous les pesticides et tous les OGMS qui posent problème ? Ou juste certains d’entre eux ?

D’ailleurs beaucoup de gens sont pro-bio parce qu’ils sont anti-pesticides, pourtant le bio autorise certains pesticides. Ce qui nous montre encore que les gens ne sont pas toujours bien informés, et qu’ils peuvent défendre des positions sans en connaître les implications. Dans le bio, les pesticides qu’on n’autorise pas, ce sont ceux “de synthèse”, et sont donc autorisés les pesticides dits “naturels”.

Et de fait, ça met déjà en avant un souci avec le bio. Comme on l’avait déjà vu, le “naturel” n’est pas un critère très pertinent pour trier ce qui est bon ou pas. D’ailleurs, des pesticides toxiques et “naturels”, il y en a déjà eu dans l’agriculture biologique, comme le roténone, qui a depuis été interdit.

Actuellement, on a l’exemple du sulfate de cuivre, notamment utilisé dans la bouillie bordelaise, qui est autorisé en bio et qui n’est pas sans conséquences environnementales puisqu’il dégrade les sols et persiste des années dans la terre.

Et attention, le fait que l’argument du “naturel” est mauvais ne dit pas que le bio est mauvais, et l’on ne va pas trancher ça ici. En revanche, ce que ça nous dit, c’est que peu importe si le bio est généralement mieux ou pas sur le plan sanitaire ou écologique, il y a un souci sur un des principaux critères utilisés dans son cahier des charges. Et donc que le bio pourrait être mieux que ce qu’il est actuellement s’il utilisait des critères plus rationnels.

Dans la même logique, on peut citer la biodynamie, qui est du bio avec un cahier des charges encore plus exigeant, mais avec des critères encore plus douteux… issus de l’anthroposophie, un courant ésotérique et pseudo scientifique avec des dérives sectaires.

Et ce n’est pas très étonnant qu’on ait beaucoup de fausses croyances sur ces sujets tant le traitement médiatique est… disons… pas terrible. L’emballement médiatique qu’il y a eu autour du glyphosate illustre bien ce manque de rigueur.

Le glyphosate est loin d’être sans inconvénients, mais là encore, attention à ne pas lui prêter des défauts qu’il n’a pas. Et à le comparer avec les alternatives. Moi je suis tout à fait pour qu’on se passe du glyphosate dès que possible, mais si par exemple on l’interdit pour mettre un autre pesticide moins efficace et qui de fait nécessite de plus grandes quantités, bah même s’il est moins nocif, l’effet total pourrait être pire.

Autre exemple : le glyphosate est utilisé en alternative au labour qui a des conséquences délétères sur les sols, et donc retirer le glyphosate pour retourner au labour n’est peut-être pas le plus judicieux.

Les pesticides ont une certaine utilité, donc il faut comparer l’avantage de ce qu’on éviterait en cessant de les utiliser par rapport aux inconvénients, comme les pertes de rendement ou le retour à des pratiques pas forcément sans conséquences non plus. Et surtout questionner les pesticides au cas par cas.

OGMS:

On peut faire le même raisonnement avec la modification génétique des plantes. Est-ce qu’il faut être contre toute forme de modification génétique, ou juste certaines ?

Quand on parle d’OGM dans la législation, on ne parle pas de toutes les modifications, mais juste de quelques unes, notamment la transgenèse (qui est l’introduction d’un gène étranger dans l’organisme qu’on modifie). Pourtant, la modification génétique à proprement parler, c’est bien plus large, on a plein de manière de modifier un génome. Donc le terme “Organisme génétiquement modifié”, a un sens différent selon si on parle de droit ou de biologie.

Par exemple, depuis le début de l’agriculture, on a toujours contrôlé la reproduction des plantes en faisant de la sélection artificielle, qui consiste à davantage cultiver les plantes jugées intéressantes, après avoir laissé apparaître des modifications aléatoires et spontanées. Ça nous a permis d’avoir des bananes plus riches et pas remplies de pépin, idem pour les pastèques, les aubergines, les carottes ou le maïs. Ça a aussi permis d’avoir des produits moins toxiques comme des courgettes avec moins de cucurbitacine ou des amandes avec moins de cyanure, etc. (plus précisément, moins d’amygdaline qui libère du cyanure).

Malgré ces avantages, cette méthode peut entraîner d’autres modifications qu’on n’aurait pas voulu. Et si l’on veut garder les modifications intéressantes en limitant les effets indésirables, voire dangereux, pourquoi ne pas directement faire des modifications ciblées, où l’on sait très bien quels gènes on incorpore ? 

Et… dit comme ça, les modifications ciblées ne paraissent pas pires que les modifications aléatoires, au contraire même. Mais elles correspondent pourtant aux modifications non-autorisées en France actuellement (En Europe également).

Et en pratique, je suis loin de défendre tous les usages d’OGMs par transgénèse actuels, mais il y a des usages qui pourraient être réellement pertinents, comme le riz doré, du riz modifié pour contenir de la bêta-carotène, un précurseur de la vitamine A. Ou des variétés de végétaux non-allergènes, plus résistantes aux effets du réchauffement climatique ou à certaines maladies, qui consomment moins d’eau ou de pesticides. Si l’on a ce genre d’effets positifs sans effets secondaires négatifs, alors ce serait dommage de s’en passer.

Du coup, pour la réglementation des modifications génétiques, est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt opter pour une évaluation au cas par cas de chaque nouvelle mutation, non pas sur la technique utilisée, mais sur les nouveaux caractères introduits ?

Parce qu’en pratique, beaucoup de gens s’opposent “aux OGMs”, donc aux modifications génétiques ciblées, mais pas aux autres modifications génétiques par sélection artificielle.

C’est peut-être en partie la faute de toute la désinformation qu’il y a eu sur le sujet, notamment avec l’étude de Séralini, qui, malgré ses défauts et les critiques de nombreux scientifiques, a eu de grosses retombées médiatiques.

Si vous voulez creuser la question des modifications génétiques, je vous invite à aller sur la chaîne de Matadon, qui a toute une série sur les OGMs cachés, qui détaille les différents types de modifications génétiques peu connus.

On peut aussi faire la critique des brevets et plus largement de tout l’enjeu économique derrière les OGMS. Et je suis souvent d’accord avec ce genre de critiques, je ne suis pas du genre à soutenir les intérêts privés contre l’intérêt général, mais il faut bien distinguer cette critique contextuelle (est-ce que c’est mauvais parce qu’utilisé à mauvais escient ou dans un mauvais contexte ?) d’une critique intrinsèque (est-ce que c’est problématique quel que soit le contexte ?).

Conclusion :

Il y a tout un tas de sujets sur lesquels il est également difficile de se faire un avis, et que je n’ai pas abordés ici : la gestion des déchets nucléaires, les métaux, la 5G, l’éolien off-shore, je n’ai pas été exhaustif. L’intérêt de cette vidéo, c’est avant tout de nous faire réfléchir à pourquoi on est pour ou contre une idée et de nous encourager à ne pas la défendre de manière dogmatique. Et toujours comparer chaque idée aux alternatives en veillant aux ordres de grandeur.

Du coup, pour conclure, faisons preuve d’humilité, doutons de nos certitudes, vérifions si elles correspondent effectivement à la réalité, et ne croyons pas sur parole les discours qu’on entend. Notamment s’ils viennent conforter nos positions, si les propos sont non-sourcées, ou s’ils proviennent de personnes ou de groupes qui ne sont pas toujours très rigoureux dans leur vérification des informations.

Bien sur ça vaut aussi pour ce que j’ai dit ici, vérifiez si je ne me suis pas trompé avant de me croire. Il se peut aussi que vous soyez en désaccord avec des choses que j’ai présentées comme factuelles, et si vous avez de bonnes raisons pour ça, mettez les en commentaire, ça m’intéresse de lire les arguments.

Mais si vous êtes attaché à ces positions sans vraiment connaître le sujet, je vous invite, non pas à changer d’avis, mais à suspendre votre jugement en attendant d’avoir de nouvelles informations. Souvent, la meilleure des réponses est d’admettre qu’on ne sait pas. Et même quand on pense savoir, il reste essentiel d’admettre qu’il est possible qu’on se trompe.

Voilà pour cette vidéo, partagez-la autour de vous pour apporter davantage de science et de scepticisme dans l’écologie 🙂

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Sources et liens :

Émissions de gaz à effet de serre en fonction de la chaîne d’approvisionnement (basé sur la méta-analyse de Poore et Nemececk (2018) :

You want to reduce the carbon footprint of your food? Focus on what you eat, not whether your food is local | Our World In Data :
https://ourworldindata.org/food-choice-vs-eating-local

Le post d’APALA avec le graphique traduit en français :
https://www.facebook.com/auxpetitsacteurslavenir/photos/a.2910252325944328/2910222712613956/?type=3
What are the safest and cleanest sources of energy? | Our World In Data :
https://ourworldindata.org/safest-sources-of-energy

Source du graphique de Max_lib :
https://twitter.com/Max__lib/status/1489331919603044354?s=20&t=mkQ9tyjGZva-og1rTRW1RQ

Compte twitter qui vulgarise bien les questions d’énergies / nucléaires :
https://twitter.com/BenjiLAREDO
https://twitter.com/TristanKamin

Sources et lien :

– Énergie :

La chaîne du Réveilleur :
https://www.youtube.com/c/LeR%C3%A9veilleur/videos

Écologie Rationnelle :
https://www.youtube.com/channel/UC94tSeCPLV4Jja08tkRI7vA/videos

La Playlist Osons Comprendre de Osons Causer qui dispose de pas mal de vidéo intéressante sur ces questions :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLBiVF1JFQlUZearCDHbNy4sT87n1rX0iM

Scénario pour la transition électrique par RTE :
https://www.rte-france.com/

Osons causer :
https://www.youtube.com/watch?v=FFkSWgiGyyo

Le réveilleur :
https://www.youtube.com/watch?v=XbrcUz0pu80

Le réveilleur sur la voiture électrique :
https://youtu.be/zjaUqUozwdc

Risques à sortir du nucléaire  | Vlanx :
https://www.youtube.com/watch?v=khqRfhKXNmE

– Agriculture :
La chaîne de Matadon, à propose des OGMs, glyphosate, pesticides, bio, etc. 
https://www.youtube.com/user/TheMightyMatadon/videos
Sa Playlist sur les différentes formes d“OGMs cachés” :
https://www.youtube.com/playlist?list=PL8U1lhhuSataszAhY1gAm8pMZzQlRirpo

Avec un épisode sur la législation autour des OGMs :
https://www.youtube.com/watch?v=7KHikztRRjE

Critique de l’étude de Séralini :
Matadon :
https://www.youtube.com/watch?v=nBzYpCg2r60
DirtyBiology :
https://www.youtube.com/watch?v=lGG6s5x9FQs

Sur le nucléaire et les pertes de rendements dus au réchauffement climatique, par BonPote :
https://bonpote.com/les-centrales-nucleaires-vont-elles-resister-au-changement-climatique-1-2/

Le site d’APALA : https://www.apala.fr/

– Agriculture et véganisme/antispécisme :
Veganalytics : https://www.facebook.com/Veganalytic
The Critical Vegan : https://criticalvegan.com/, https://www.youtube.com/c/TheCriticalVegan

Sur les impacts sanitaires des accidents nucléaires :
La vidéo du Reveilleur : https://www.youtube.com/watch?v=utyT8Z4qEaA

Le site du Comité Scientifique des Nations Unies pour l’étude des Effets des Rayonnements Ionisants (UNSCEAR), sur lequel vous trouverez notamment des rapports sur les accidents de Tchernobyl et Fukushima :
https://www.unscear.org/unscear/en/fukushima.html

Enquête du BDD (Baromètre Développement Durable) d’EDF : montrant les croyances fausses sur le nucléaire et les GES :
https://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-ppe/sites/debat.ppe/files/synthese_bdd_france_2017_pour_ppe.pdf

L’effacement permettant de limiter les pics de consommations :
https://www.edf.fr/collectivites/electricite-gaz/electricite-offres-de-marche/effacement/engagement-d-effacement

Et l’homme créa les plantes (pour mieux se nourrir) | Conférence de Françoi Parcy sur l’AFIS :
https://www.youtube.com/watch?v=zE1WrrgUgYg

Sur les impacts de l’élevage et les gains à végétaliser l’agriculture :
https://www.facebook.com/Veganalytic/posts/356179549848676

La chaîne “Après l’effondrement” qui traite des questions d’effondrement avec une bonne rigueur scientifique :
https://www.youtube.com/c/Apr%C3%A8slEffondrement/videos

Législation et risque du roténone :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rot%C3%A9none#R%C3%A9glementation

Écriture et voix : Yohann Hoarau
Montage : Jason Cotrebil
Aide et/ou relecture : Le Chaudron, Lyla (raie.futée), Stratos, Nicolas B, Raton Circonspect, Nicolas Colin, Tristan de l’effet chimpanzé, Nico Salé
Aide pour la miniature : Orlando de Réplique Éthique