Cet article reprend le texte de la vidéo que vous pouvez trouver sur Youtube et Peertube.

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QI, intelligence, haut-potentiel, HPI, il suffit de taper un de ces mots sur internet pour se retrouver face à un bon paquet de truc complètement faux. Donc, pour contrebalancer la désinformation sur le sujet, on va casser quelques mythes et au passage expliquer ce qu’est ce fameux QI, ou Quotient Intellectuel.

Être surdoué, haut-potentiel intellectuel (HPI), ou précoce pour les enfants, etc., dans la recherche scientifique actuelle ça renvoie à la même chose, ça désigne les personnes avec des aptitudes cognitives supérieures à la majorité de la population générale, qu’on mesure donc avec un test de QI.

On a aussi des termes comme zèbre, ou enfant indigo qu’on entend beaucoup dans les milieux pas très scientifiques, voire new age. Donc si vous entendez parler de zèbre ou d’enfant indigo, il y a de fortes chances que ce soit accompagné de pas mal de mythes sur l’intelligence, avec en bonus un bon lot de pseudo-sciences sur d’autres sujets.

EXEMPLES DE MYTHES :
– “Les surdoués ont plus de troubles des apprentissages et sont souvent en échec scolaire ?”

Ça, pour le coup c’est un mythe qui revient souvent, alors qu’au contraire, le haut potentiel est corrélé à la meilleure performance académique. Et c’est justement pour ça que le test a été inventé à la base, repérer les élèves en difficulté de ceux avec plus de facilité. Ça n’empêche pas les exceptions, évidemment, mais en moyenne, un QI élevé enfant est prédictif d’une meilleure réussite scolaire, avec des notes plus élevées et un niveau de diplôme plus élevé.

– “Les surdoués… auraient une « pensée en arborescence »”.

La pensée en arborescence, ce serait une pensée qui se déploierait dans plusieurs directions à la fois et en même temps avec tout un foisonnement d’idées.

Souvent on oppose cette pensée en arborescence, qu’aurait les surdoués, à une pensée linéaire, qu’aurait le reste de la population. Sauf que cette dichotomie dans les façons de penser n’existe pas. Tous les individus humains fonctionnent par associations de concepts et d’idées.

Par contre il y a bien des différences selon les individus sur la capacité à trouver rapidement différentes idées, différentes solutions, à imaginer des trucs, à innover, être créatif, etc. on parle ici de pensée divergente. Mais à la différence de la dichotomie pensée linéaire / pensée en arborescence, on fait tous plus ou moins preuve de pensée divergente, avec une différence de degré. Et le QI est effectivement corrélé à plus de pensée divergente, mais c’est juste une moyenne, et un haut QI ne garantit pas à lui seul un haut degré de pensée divergente.

Et tout comme il n’y a pas de différence de nature entre les pensées en arborescence et les pensées linéaires, il n’y a pas de fonctionnement radicalement différent entre les gens à 128 de QI et ceux à 132, on est sur un continuum, avec plus ou moins de rapidité ou de facilités dans les apprentissages, de plus ou moins grandes activations de certaines régions du cerveau, des fonctions cérébrales plus ou moins performantes etc.

Il y a des différences quantitatives, mais pas de différence qualitative. Donc : pas une différence de nature mais une différence de degré. Et on parle de différences en moyenne, donc un haut QI ne garantit pas d’avoir également tous les traits qui y sont associés en moyenne.

– “Les surdoués seraient davantage hypersensibles !”

Ah, l’hypersensibilité. Le problème ici, c’est qu’avant même de savoir si c’est vrai ou pas, le principe même de l’hypersensibilité est très controversé. Tel qu’il est souvent utilisé, ça donne l’idée d’un trait intrinsèque aux personnes, alors que les symptômes mis en avant : genre plus de sensibilité aux stimuli émotionnels et sensoriels, sont des choses qui peuvent souvent s’expliquer autrement que par un trait de personnalité, ça peut être le symptôme d’autre chose, d’un autre facteur psychologique ou même biologique – par exemple de l’anxiété, une hypervigilance due à un trauma, un trouble du spectre de l’autisme, un TDAH, etc.

Mais bref, même en tant que symptôme, a priori, pas de lien avec le haut-potentiel. Il ne semble pas que les émotions des personnes à haut QI soient plus fortes ou plus dures à gérer.

– “Les HPI, à cause de leur différence, seraient moins adaptés socialement, auraient un certain décalage avec les autres et donc des difficultés dans les relations sociales, seraient plus anxieux et éprouveraint plus de mal-être”.

Alors l’idée que l’intelligence mène à être plus malheureux et anxieux, vous vous en doutez vu qu’on a listé uniquement des trucs faux, n’est pas avérée. Bon, c’est un sujet qui n’est pas simple à étudier, parce que la mesure du bien-être, c’est pas évident, et on peut avoir des manières de mesurer différentes d’une étude à l’autre, et il y a pas mal de biais méthodologiques qui rendent difficile de tirer une conclusion certaine. Mais ce qu’on retrouve majoritairement, ce n’est clairement pas l’hypothèse de moins de bien-être, les études oscillent entre, soit pas de différence, soit une corrélation positive, donc des surdoués plus heureux.

Et c’est pas si étonnant vu qu’à l’inverse du mythe du surdoué isolé de la société, l’intelligence pourrait aider à la gestion des émotions, à faciliter la compréhension des autres et l’intégration des codes sociaux, et donc faciliter les relations sociales.

Contrairement à ce qu’on peut souvent entendre, on est loin de l’idée du haut QI comme étant une malédiction. Une haute intelligence n’est pas associée à plus de troubles mentaux, et au contraire elle est associée à moins d’anxiété.

L’intelligence et un QI élevé est globalement corrélé à pas mal de trucs positifs comme l’espérance de vie, la bonne santé, et la réussite professionnelle, par exemple. Après, vu que le QI est aussi corrélé avec le niveau socio-économique, et si on prend en compte cette variable confondante, la corrélation est plus faible, mais elle reste toujours favorable au QI élevé. Globalement, dans la vie, avoir un QI élevé est préférable

Mais d’ailleurs, le QI, si ça n’explique en rien le mal-être des gens, que ça ne donne pas plus d’informations que juste quelques corrélations positives, ça sert à quoi de le mesurer ? Et ça sert à quoi d’un point de vue clinique ?”

Et ben justement, l’utilité est très faible la plupart du temps. Le haut-potentiel n’est pas un trouble psychologique, et de fait ça n’est pas non plus un diagnostic. Dans une prise en charge psychologique, connaître le QI des personnes ne va pas beaucoup changer leur prise en charge.

Ça peut être une information intéressante suivant le contexte, sur une problématique scolaire ou liée à l’apprentissage par exemple, ou encore lorsqu’on doute sur nos capacités, mais ce qui va être intéressant dans ces cas, au-delà du QI total, ça va surtout être les points forts ou les points faibles dans chaque catégorie. Puisque, comme on va le voir ensuite, le test de QI mesure plusieurs facettes.

Mais c’est clair que souvent, on accorde beaucoup trop d’importance au QI total. Et quand on voit le prix que ça coûte et le temps que ça prend de faire un test, c’est un investissement qui est très souvent inutile, voire dangereux puisque ça peut faire manquer un vrai diagnostic (Sans compter que, aussi bien pour une personne avec un QI faible que élevé, ça peut avoir des conséquences sociales indésirables, en enfermant les personnes dans un score et mettre certaines attentes chez elles). Donc conseiller systématiquement de faire des tests de QI, c’est pas très pertinent.

Et bien sûr, lorsqu’une personne a un haut QI et souffre d’une difficulté psychologique, il est important de lui venir en aide, mais il ne faut pas déduire que son intelligence est la cause de ses difficultés. Il y aura très probablement d’autres causes à explorer.

Comment on calcule le QI

Depuis tout à l’heure on parle du QI et de l’intelligence comme si ça allait de pair, mais… Est-ce que le test de QI mesure vraiment l’intelligence, d’ailleurs, ça sort d’où le QI ? On le calcule comment ? Parce que ça parait quand même réducteur de définir l’intelligence juste avec un test ?” D’ailleurs, ce n’est pas du tout évident que l’intelligence puisse être mesurée. Déjà rien que définir l’intelligence, c’est pas si évident. La définition généralement utilisée en recherche n’est pas celle d’une “intelligence” au singulier, mais plutôt d’un ensemble d’aptitudes cognitives (qui comprend le raisonnement, la résolution de problème, la mémoire, la rapidité de traitement des informations, la planification, etc.), bref, différentes compétences que l’on mobilise quand on réalise diverses tâches intellectuelles.

Et c’est clair qu’on ne va pas pouvoir mesurer toutes les facettes de l’intelligence d’une personne, et certainement pas avec un questionnaire en ligne de 15 minutes et encore moins un sudoku.

Je sais plus d’où je sors ça, mais c’est le parfait mauvais exemple

Cette difficulté de mesure, les chercheurs la connaissent, c’est pour ça que le test de QI, c’est très long, ça peut durer plusieurs heures, et il y a tout un tas de sous-tests pour évaluer une diversité de compétences différentes.

Donc le test de QI mesure plusieurs facettes de l’intelligence, qu’on appelle aptitudes cognitives, mais sans évidemment pouvoir les mesurer toutes. Après le test de QI a un avantage, il est corrélé à plusieurs autres fonctions cognitives, et s’il ne mesure pas toutes les facettes de l’intelligence, il mesure les plus importantes, celles qui prédisent le plus de choses dans la vie réelle.

Et on peut ajouter à ça que c’est un test très bien étudié, étalonné et peaufiné, donc sans dire que le test de QI permet vraiment de mesurer “l’intelligence”, on a de bonnes raisons de penser qu’il en est un assez bon indicateur.

Et surtout on n’a pas d’autres tests qui pourraient faire mieux actuellement.

Ce test de QI, on le fait avec l’échelle de Wechsler, avec la version pour adulte, la WAIS-IV (Weschler Adult Intelligence Scale), et celle pour enfant, la WISC-V (Wechsler Intelligence Scale for Children), qui va de 6 à 16 ans. Et il y a aussi la WPPSI-IV (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence) pour les enfants avec une version qui va de 2 ans et demi à 4 ans, et l’autre qui va de 4 à 7 ans. Les tests sont mis à jour, d’où les chiffres qui indiquent la version actuelle.

Le test comporte 4 catégories dans la WAIS et 5 dans la WISC : le raisonnement perceptif dans la WAIS qui équivaut au raisonnement fluide et au traitement visuo-spatial dans la WISC, puis la compréhension verbale, la vitesse de traitement, et la mémoire de travail (c’est-à-dire pour faire très simple : la capacité à utiliser les informations stockées en mémoire à court terme). Et chaque catégorie comporte plusieurs sous-tests.

Au niveau du résultat du test de QI, on a pas mal d’incompréhension également.

Par exemple, dans certaines fictions, on voit parfois des personnages très intelligents, avec des quotients intellectuels très très élevés. On a par exemple le pokémon Alakazam qui a un QI de 5000, tout de même !

Alors c’est très impressionnant, mais… formulé ainsi, ça véhicule une idée très erronée de ce qu’est le QI. Ça donne l’impression que le score de QI ça mesure directement un total de compétence cognitive, comme si la personne qui a un QI de 200 avait 2x plus d’intelligence que la personne avec 100, qui elle-même a 2x plus d’intelligence que celle qui a 50. Mais le QI, ben c’est pas du tout, mais genre vraiment pas du tout ça.

Quand vous passez un test de QI, vous allez d’abord avoir un score qui correspond en gros au nombre de bonnes réponses données, avec un maximum qui correspond au fait d’avoir tout juste, un peu comme une note à un examen. C’est ce qu’on appelle le score brut (score brut : total de bonnes réponses). Mais ensuite, ce score, on va le comparer avec les autres scores de la population de référence, c’est-à-dire des gens du même âge et de la même culture que vous. On obtient alors un score standardisé, et votre score personnel sert à vous situer par rapport aux autres.

Et le test nous donne certes un QI moyen total, mais on a aussi un score par catégories, ce qui fait que pour un même QI moyen de 100 par exemple, on peut avoir des profils très différents. Du coup le QI total va donner une moyenne de plusieurs facettes de l’intelligence, mais qui sera moins intéressante et moins utile que le détail de ces différentes compétences.

Pour le QI total, on a déterminé que 100, c’était la moyenne et la médiane. À ne pas confondre avec la moyenne, la médiane c’est le point ou y a la moitié en dessous, et l’autre moitié au-dessus. Par exemple, si on a une distribution comme ceci, la moyenne est égale à la médiane.

Mais si on modifie une note haute par une note bien plus haute, on a augmenté la moyenne, pourtant la médiane n’a pas bougé.

Donc pour le QI, vu que 100 c’est la médiane, ça veut dire que si vous avez un score de 100, vous avez un QI supérieur à celui de 50% de la population, et inférieur à celui des 50% autres.

Et ça, on le décide en avance pour que ce soit pratique. C’est pour ça que le QI moyen reste toujours à 100 alors que les scores bruts aux tests ont augmenté au fur et à mesure des générations. Et ça permet au passage de remettre en question une autre idée reçue, celle que le QI moyen serait en baisse. Il est en hausse, et c’est ce qu’on appelle l’effet Flynn.

Donc je récapitule ce qu’on a dit juste avant, en résultats des tests que tout le monde passe, on a les scores bruts, avant de les standardisé en les comparant au reste de la population. Une fois la comparaison faite, les scores vont être transposé sur ce qu’on appelle une courbe de Gauss, une courbe qui ressemble à ça, et qui en gros, répartit la majorité des données autour de la moyenne, et de moins en moins au fur et à mesure qu’on s’éloigne de cette moyenne.

Genre ça, ce n’est clairement pas des courbes de Gauss :

Si la majorité est regroupée autour de la moyenne, c’est parce qu’au même âge, nos cerveaux ont des niveaux de performance proches, et plus on s’éloignent de cette performance moyenne, moins il y a de monde.

Comme on l’a vu, on a 100 comme médiane, avec donc 50% de la population en dessous de 100 et 50% au-dessus.

Et on va aussi avoir 50% de la population entre 90 et 110, et plus on va vers les extrêmes, moins on a de gens. On a par exemple plus que 2,27 % de la population avec un QI supérieur à 130, c’est ce critère qui est utilisé pour déterminer le seuil pour être considéré comme à haut potentiel.

Et à l’inverse, on considère une déficience lorsqu’un score est en dessous de 70, donc en dessous de 97,73% de la population.

En statistiques, on utilise l’écart-type pour mesurer la dispersion autour de la moyenne. Une même moyenne peut avoir un faible écart-type ou un grand écart-type en fonction de la dispersion de ces données. Pour le QI, il est de 15. Et c’est en fonction de cet écart-type qu’on établit certains seuils. Avec un QI de 115, on est donc à 1 écart-type au-dessus de la moyenne. Et le seuil de 130 du haut-potentiel équivaut à 2 écart-type au-dessus de la moyenne.

Pour illustrer comment on passe des scores bruts à tout ça, imaginez qu’on calcule les scores bruts selon une note sur 20 : si la médiane est de 14 pour les scores bruts, alors ceux qui auront eu 14 au score brut auront 100 de QI. Ils sont au-dessus de 50% de la population et en dessous des 50% autres. Mais, si la médiane avait été de 6, c’est ceux ayant eu 6 qui auraient été dans la médiane, avec donc un QI de 100.

Et pourquoi on pourrait pas avoir un QI hyper élevé ?

La réponse simple, c’est que les tests de Weschler vont de 40 à 160.

Après en théorie, – et vraiment qu’en théorie – ça pourrait faire sens de dépasser 160. Si on reprend la courbe, on est au-dessus de 130 quand on fait mieux que 97,7% de la population, et au-dessus de 145 quand on fait mieux que 99,9% de la population. Si on arrivait par exemple à mesurer l’ensemble de la population mondiale, on pourrait affirmer que le premier a fait mieux que les 99,99999% restant de sa population de référence, et donc on pourrait lui attribuer un score au-dessus de 160. Mais évidemment, même si les tests de QI ont fait l’objet de nombreux tests lors de la conception et encore après, on a pas mesurer la population entière. Donc plus on en arrive à des chiffres qui concernent une minorité de la population, plus c’est hasardeux d’affirmer qu’une personne a fait mieux que les 99,99% autres. Donc déjà au-dessus de 145, on a pas un très bon degré de précision. Et c’est pour ça que ça ne fait pas trop sens de mesurer au-delà de 160, et que l’échelle de Weschler va de 40 à 160. On ne pourra donc pas mesurer un score au-delà de 160.

Bon je précise qu’ici on parle du test de Weschler, qui a une échelle maximum à 160, mais si on parle du test de Cattell, ça peut monter plus haut, jusqu’à 180, mais c’est juste parce que l’échelle est différente, donc avoir donc un 180 sur l’échelle de Cattell n’équivaut pas à un 180 sur le Wechsler, mais plutôt à un 150.

Et j’ajoute que si vous voulez creuser le sujet, vous pouvez aller voir les liens en descriptions, et notamment le travail des chercheur/chercheuses en sciences cognitives Franck Ramus et Ghislaine Labouret.

Conclusion :

Pour résumer ce qu’on a vu : le sujet de l’intelligence est en proie a pas mal de mythes et fausses informations. Et parfois elles sont même véhiculées par des professionnels.

D’ailleurs, quand on travaille soi-même dans le soin, on est exposé à une partie de la population qui n’est pas représentative, forcément, vu qu’on reçoit surtout des gens qui ne vont pas au mieux. Il est clair qu’un psychologue qui reçoit des patients en cabinet va voir beaucoup de patients haut-potentiels qui ne vont pas bien. Ce qui peut nous amener à avoir une perception biaisée et à faire des généralités en fonction de ça.

Donc attention aux biais d’échantillonnage. Et de manière générale, si vous voulez éviter de croire des choses fausses, je vous encourage vivement à questionner les informations que vous avez, leurs sources, et les raisons que vous avez d’y croire, etc.

On a vu aussi que le test de QI est un test long et complexe, composé de plusieurs exercices. Et de fait, les tests en ligne en 15 minutes, ce n’est absolument pas fiable. Et il faut en plus ajouter qu’un test de QI, ça doit s’interpréter, et pas n’importe comment, il faut le faire avec un psychologue formé et compétent pour ça.

Loin des visions essentialistes, un haut QI n’implique pas une différence qualitative entre les individus mais juste une différence quantitative. Autrement dit, une différence non pas de nature mais de degré. Il n’y a pas de différence nette entre une personne HPI avec 135 de QI et une personne non HPI avec 125. Le seuil de 130, c’est avant tout un seuil mathématique, qui correspond à 2 écart-types au-dessus de la moyenne, avec 2,3% de la population au-dessus.

D’ailleurs, il faut aussi prendre en compte que le score de QI qu’on obtient après un test aurait peut-être été différent si on l’avait passé un autre jour, dans un autre contexte, ou plus ou moins fatigué.

Pour estimer la précision de la mesure, on utilise ce qu’on appelle un intervalle de confiance à 95%, dans lequel le « QI réel » a beaucoup de chances de se trouver.

Ce qui veut dire que si on obtient un QI de 130 par exemple, ce “QI réel” a de forte chance d’être compris entre 124 et 134 pour un adulte, et 122 et 135 pour un enfant (l’erreur n’est pas symétrique, plus on va au-dessus de la moyenne, plus on a plus de risque de surévaluation que de sous-évaluation, et inversement quand on descend). Ce qui nécessite d’être d’autant plus prudent avec les chiffres, il ne faut pas les prendre comme des vérités gravées dans le marbre.

On a vu qu’il y avait pas mal de clichés faux sur l’intelligence, comme l’idée que ça rendrait triste et inadapté. Alors qu’en réalité, le haut QI, c’est au contraire plutôt adaptatif, et il est corrélé à une meilleure réussite scolaire et à d’autres trucs positifs dans la vie, à plus de satisfaction dans la vie, une meilleure santé, etc.

Après attention, ça ne veut pas dire que toutes les personnes à haut QI ne vont jamais rencontrer de problème lié à ça, et toutes ces corrélations aussi positives soient-elles ne sont que des corrélations, donc ça n’implique pas forcément de causalité, d’autant que comme on l’a dit, il y a un lien avec le niveau socio-économique. En tout cas, même si ce n’est pas suffisant pour conclure une causalité, ça signifie au moins que statistiquement, avoir un haut QI est associé à davantage de chances de ces trucs positifs là…

Après sur le plan clinique, connaître son QI, ou plutôt ses forces et faiblesses sur le plan cognitif, ça n’est utile que dans certaines situations, quand ça permet d’éclairer le fonctionnement de la personne. Mais quand le HPI est utilisé comme pseudo-diagnostic, cela aide rarement, et ça peut surtout empêcher d’identifier les vraies causes des difficultés.

Le haut-potentiel n’est pas un diagnostic, et si vous allez mal, ou que votre enfant va mal, ça ne peut pas être dû uniquement à ça. Il y a un vrai business autour de ce concept et des mythes qui gravitent autour, donc attention à tout ça.

Et encore d’autres corrélations très positives, enfin positives si vous partagez les valeurs de cette chaîne : un QI et des capacités cognitives plus élevées sont corrélées à plus de curiosité, à plus d’ouverture d’esprit, à plus d’altruisme et à un certain progressisme, avec moins de préjugés racistes, sexistes, âgistes, ou homophobes par exemple. À l’inverse, une personne présentant un QI plus faible sera en moyenne plus sujette à adhérer à ce genre d’idéaux et à des idées d’extrême droite, telles que l’autoritarisme ou l’ethnocentrisme.

Je précise que ça ne signifie pas qu’avoir un QI plus élevé prémunit des préjugés, au contraire même vu qu’il n’y a pas de différence sur la quantité de préjugés, la différence étant davantage sur la cible des préjugés, qui là seront plutôt des groupes de statut supérieur, politiquement conservateurs, envers les fondamentalistes chrétiens, les grandes entreprises, ou encore des parties politiques réactionnaires.

Et c’est aussi important de préciser que l’intelligence ou le QI n’immunise pas contre la bêtise, et n’empêche absolument pas de croire des choses fausses. Donc évitons, dès que quelqu’un croit à quelque chose qui nous paraît absurde, d’expliquer cette croyance par son manque d’intelligence, il y a très possiblement d’autres explications. Et en fait l’intelligence peut même aider à persister dans des croyances fausses en aidant à toujours trouver des raisonnements qui vont justifier nos croyances, donc prudence. Personne n’est à l’abri de croire à des choses fausses.

Bon, et on a dit qu’un QI plus élevé, ça avait en moyenne des avantages. Mais attention à ne pas en faire un jugement de valeur. Ce n’est pas parce qu’une personne est plus intelligente qu’elle vaut mieux que les autres, ou qu’elle mérite plus de considération.

Historiquement, le QI a souvent été instrumentalisé pour étayer des propositions élitistes et racistes, pour rabaisser les personnes noires par rapport aux personnes blanches par exemple.

Déjà attention aux biais contextuels liés au langage, à la culture, etc. Les populations à faible QI selon nos tests (surtout pour les tests centrés sur le langage), le sont peut-être à cause du langage et d’une culture différents, ou parce qu’ils n’ont pas eu accès à la même éducation. Ce n’est pas suffisant pour en inférer une cause biologique. Et actuellement, on a pas de raison de penser qu’il y aurait de différence génétique notable entre les différents groupes humains en termes d’intelligence.

Après il est vrai qu’il y a une part génétique qui explique une partie du QI des individus, certaines personnes auront un QI plus bas que d’autres pour des raisons biologiques. Mais en aucun cas ça ne justifie de les déconsidérer et de moins bien les traiter. Donc idem si on trouvait une différence génétique au niveau de l’intelligence entre deux populations, ça ne justifierait pas un traitement défavorable.

De même, l’intelligence est souvent utilisée comme prétexte pour justifier de moins bien traiter les animaux. On en avait un peu parlé dans la toute première vidéo, mais le capacitisme, donc le fait de discriminer les individus selon leurs capacités physiques ou mentales, est bien difficile à justifier moralement. Donc évitons de justifier les comportements injustes – que ce soit sur des humains ou des animaux – sous le prétexte de l’intelligence.

Tout comme on trouverait injuste qu’une civilisation extraterrestre nous traite de manière contraire à nos intérêts juste parce qu’on est moins intelligents qu’eux (Cf la vidéo de Mr Phi).

Si je précise ça, c’est parce que pas mal de militant contre diverses formes d’oppression ont consacré beaucoup d’énergies à contester l’existence de ce genre de différence, tout comme je viens de le faire moi-même.

Et c’est important de le faire, mais si on se contente seulement de réfuter les différences d’intelligence entre ethnies pour réfuter le racisme, ça sous-entend que si ces différences existaient, elles justifieraient un traitement différent, et ça ça pose problème.

Donc, si les différences n’existent pas, c’est effectivement pertinent de les nier, mais si elles existent – tout comme il existe nombre de différences morphologiques inter-individuel et inter-groupe – il serait absurde de les nier, et il faut surtout appuyer le fait que ces différences n’ont aucune incidence sur le plan moral. Des différences entre les individus, physique comme cognitive, il y en a plein, et il n’y a pas de jugement de valeur et de traitement de faveur à faire vis-à-vis de ça. 

Et en fait, si notre but c’est l’intérêt de tous et une société plus égalitaire où les gens vivent au mieux, plutôt que favoriser les plus intelligents, on devrait même faire l’inverse en aidant ceux qui le sont moins.”

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Sources et liens :

Précédentes vidéos citées dans celle-ci :
Script de la première vidéo : quel critère pour discriminer
Script de la vidéo sur les statistiques

QI et bien être :
– Bergold et al. (2015). Are gifted adolescents more satisfied with their lives than their non-gifted peers? Frontiers in Psychology, 6, Article 1623. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2015.01623
– Altaras Dimitrijević et al. (2018). Whichever intelligence makes you happy: The role of academic, emotional, and practical abilities in predicting psychological well-being. Personality and Individual Differences, 132, 6–13. https://doi.org/10.1016/j.paid.2018.05.010

Pas plus de psychopathologie chez les hauts QI :
– Williams et al. (2022). High Intelligence is Not Associated with a Greater Propensity for Mental Health Disorders : https://www.cambridge.org/core/journals/european-psychiatry/article/high-intelligence-is-not-associated-with-a-greater-propensity-for-mental-health-disorders/E101AE4EDBC8FBAEE5170F6C0679021C

Blog de Ghislaine Labouret :
Définitions du HPI et intérêt des tests
Comprendre les tests de QI
Questions fréquentes sur le sujet

Blog de Franck Ramus, avec des articles écrits avec Nicolas Gauvrit :
La légende noire des surdoués, partie 1 et partie 2
La pseudoscience des surdoués
https://scilogs.fr/ramus-meninges/cerveau-surdoues/
L’hypersensibilité
Définition de l’intelligence
Le plus grand QI possible
La série de Franck Ramus vidéo sur l’intelligence

Over the 130 | Autre blog de vulgarisation autour de la question du HPI

Meta de choc | Contes et légendes de l’intelligence avec Stéphanie Aubertin

QI et préjugés / idées d’extrême droite :
Méta-analyse de Onraet et al. (2015) : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/per.2027
étude de Brandt et Crawfort (2016) : https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1948550616660592

Usage du QI à des fins racistes :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Quotient_intellectuel#Diff%C3%A9rences_entre_groupes_ethniques_et_controverses_sur_les_interpr%C3%A9tations_racialistes

Sur l’effet Flynn :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Flynn

Larivée, Sénéchal et Audy (2012) sur les paradoxes de l’effet Flynn et pourquoi on constate tout de même cet effet :
https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2012-3-page-465.htm

Écriture : Yohann Hoarau
Montage : Athenais
Relecture : Roxane Villeneuve, Lyla (@raiefutée), Ghislaine Labouret