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La vidéo sur Peertube et Youtube :

C’est quoi le problème avec la pollution ? La sixième extinction de masse ? Le dérèglement climatique ?

Vous vous êtes déjà demandé pourquoi on veut préserver les forêts, les sols, les océans…et plus généralement les ressources, les écosystèmes et la biodiversité ?

Derrière ces convergences d’idées qui nous semblent évidentes, il y a pourtant des visions de l’écologie bien différentes et qui peuvent parfois s’opposer… 

Dans cette vidéo, on va voir plusieurs visions de l’éthique environnementale, et j’argumenterai en faveur de celle que je considère la plus pertinente en expliquant ce qui me semble problématique dans les autres.

LES DIFFÉRENTES ÉTHIQUES ENVIRONNEMENTALES :

D’abord, on a l’écologie qui souhaitent préserver l’environnement pour que les humains puissent vivre décemment et survivre dans de bonnes conditions. C’est l’écologie Anthropocentrée.
Si le changement climatique pose problème, c’est parce que les humains risque d’avoir un manque d’eau et de nourriture, ou de perdre des zones habitables qui les entraînerait à quitter leur lieu de vie.

Dans certains cas, l’écologie anthropocentrée n’est pas focalisée sur les individus humains, mais sur l’espèce humaine.
Là, l’idée n’est plus tant que les individus humains vivent bien, mais surtout que l’espèce humaine perdure dans le temps. La dégradation de l’environnement pose problème car elle met en péril la prospérité de l’espèce humaine.

Lorsqu’il met en avant les valeurs humanistes, l’anthropocentrisme peut défendre les humains, quelle que soit leur couleur de peau ou leur nation. Il s’est donc débarrassé de certains critères de discrimination arbitraire, mais en conserve pourtant un crucial, celui de la supériorité de l’humain.

En opposition à cet anthropocentrisme, il y a eu une volonté de ne plus se focaliser uniquement sur l’humain, et ne plus voir la nature comme une simple ressource à sa disposition.
Ça fera notamment naître un courant de l’éthique environnementale qui va considérer que l’environnement ou les écosystèmes ont une valeur en soi : c’est l’écologie écocentrée. 

Selon cette vision, l’être humain fait partie d’un grand tout, il n’a pas à se croire supérieur, et rien ne lui donne le droit de dominer la nature qu’il doit respecter. Il faut défendre l’environnement qui n’est pas là juste pour bénéficier aux humains.

Le principal souci avec cette conception écocentriste, c’est que la nature ou l’écosystème sont des entités abstraites. Elles n’ont ni conscience, ni intentions, ni intérêts personnels. Et on ne peut pas nuire à un concept, comme « la nature », on peut nuire uniquement à des individus.

La nature n’est pas quelqu’un. Elle n’a pas d’expérience subjective qui lui permettent d’être affectée par ce qui lui arrive. Et par exemple, si on pollue un lac, ce n’est pas au lac ou à la nature qu’on porte préjudice, mais aux individus qui y vivent ou qui en dépendent.
La planète, elle non plus, n’est pas un individu. Elle s’en moque du réchauffement climatique, de la pollution, où d’être « détruite », c’est les individus qui l’habitent qui eux vont être affectés. Et c’est pour ça qu’on peut critiquer les expressions comme “écocide”. Donc « mère nature », « Gaïa », et autres conceptions qui anthropomorphisent la nature ou la planète faussent notre jugement moral…

En se centrant sur des conceptions abstraites, comme la nature, la biodiversité ou la préservation des espèces, l’écocentrisme a pour conséquence la négation directe des individus. Comme le dit Cédric Stolz (l’amorce, 2020) : « Dans l’écocentrisme, les animaux n’ont plus de valeur pour eux-mêmes, mais sont uniquement des rouages de « l’écosystème » : Leurs propres intérêts à vivre est mis au second plan par rapport à cette finalité qui les dépasse : préserver la nature, l’écosystème, la biodiversité, etc. La valeur de chaque individu, de chaque animal est réduite à une valeur relative au « rôle » de son espèce pour la préservation de l’écosystème ».

Plutôt que défendre des entités abstraites, certains considèrent qu’il faut protéger toute forme de vie. Que la vie a une valeur intrinsèque, et qu’il faut la défendre dans son ensemble, c’est l’écologie biocentrée.
Cette idée qu’il faut défendre le vivant, c’est ce que j’avais appelé dans la première vidéo le « vivalisme », mais c’est le terme biocentrisme qui est davantage utilisé.
Pour l’écologie biocentrée, chaque vie importe moralement de manière égale. Par exemple, si on protège une forêt, c’est parce qu’elle abrite de nombreux êtres vivants : aussi bien des animaux que des végétaux.

Mais s’il défend vraiment toute forme de vie, le raisonnement biocentristes doit impliquer également la défense des autres règnes du vivant : champignons, bactéries, archéo-bactéries, protozoaires et chromistes. Et les virus si on considère qu’ils sont vivants (ce n’est pas le cas dans les classifications actuelles mais c’est en débat). Et comment justifier cette défense de toute forme de vie jusqu’à la défense des protozoaires ?

Ben, c’est pas simple, car pour qu’un être puisse compter moralement, il faut qu’on puisse lui nuire. Et pour qu’on puisse nuire à un être, il ne suffit pas d’être vivant, il faut qu’il ait des expériences subjectives, positives ou négatives. Qu’il puisse ressentir de la joie ou de la souffrance. C’est ce qu’on appelle la sentience. Sans cette sentience, il est indifférent à ce qui lui arrive, tout comme un portable est indifférent au fait d’être cassé.

Et donc, si le fait d’être vivant n’implique pas forcément cette sentience, le fait qu’un organisme soit vivant n’est donc pas une condition suffisante pour qu’on puisse lui nuire. Du coup, ce n’est pas chaque être vivant qui doit importer moralement, mais chaque être sentients. On utilisera donc le critère de la sentience, davantage pertinent que celui du vivant.

Dans cette perspective, une action sera considérée écologiste si elle défend les intérêts des êtres sentients. C’est l’écologie sentientiste (ou sentiocentrée).

Dans la continuité des mouvements humanistes, anti-racistes, anti-sexiste, le sentientisme défend les intérêts de tous les individus qu’importe leur couleur, sexe, espèce ou autre critère arbitraire. En élargissant la considération à tous les êtres sentients.
C’est-à-dire : être sentient, comme – à l’heure actuelle de nos connaissance, au moins tous les vertébrés (oiseaux, les mammifères, les poissons, les reptiles, les amphibiens), certains arthropodes (homards, abeilles) et certains mollusques (pieuvres, escargot). Et ne le sont pas, d’autres animaux sans système nerveux, comme les éponges de mer, et l’ensemble autres règnes du vivant (végétaux, champignons, bactéries, protozoaire, etc).

Et je précise, si vous pensez qu’il faut élargir la considération aux arbres parce vous considérez qu’ils sont sentients, alors vous défendez aussi le sentientisme, et notre désaccord serait plutôt sur une question de quels êtres sont sentient.
Mais ça c’est pas à la morale de le définir, c’est à la recherche en biologie, éthologie et psychologie. On fera une vidéo là dessus.

Au vu des arguments que j’ai donnés, l’écologie sentientiste me parait l’éthique environnementale la plus logique et la plus cohérente.
Mais il est possible que tout le monde ne soit pas convaincu. Et je pense qu’il y a certains biais, certaines confusions et erreurs de logique, qu’on fait inconsciemment, qui nous amènent à nous accrocher à l’écocentrisme malgré ses failles.

CONFUSIONS COURANTES

Derrière l’écocentrisme, on a souvent une idéalisation de la nature. « La nature est équilibrée, la nature est bien faite ».

Comme on l’avait déjà évoqué, l’idée que ce qui est naturel serait bon et ce qui n’est pas naturel serait mauvais est un argument fallacieux : c’est l’appel à la nature.

Le fait que le naturel serait bon est quelque chose d’assez intuitif, mais pas quelque chose de vrai. On peut le voir avec différents exemples de substance toxique qu’on trouve dans la nature, comme le cyanure ou l’amanite phalloïde.
Et si on devait calquer ce qui est bon sur ce qui est naturel, on en viendrait vite à des implications très… particulière. Par exemple, dans la nature, certains animaux dévorent leurs petits, d’autres leurs excréments, est-ce qu’on devrait le faire aussi ?
Et dans la nature, les lunettes, les chaussures, les opérations chirurgicales d’urgence n’existent pas, est-ce qu’on devrait s’en débarrasser ?

[Parenthèse : Cette idée qu’il faut faire ce qui est naturel, c’est ce qu’on appelle le naturalisme prescriptif.
À ne pas confondre avec le naturalisme descriptif, qui est le fait de décrire le monde à partir d’entités naturelles, de choses physiques, et qu’on n’a pas besoin de choses surnaturelles pour expliquer le monde. C’est la définition du naturalisme communément utilisé en philosophie, et qui correspond au paradigme scientifique actuel. Donc si on suit le paradigme scientifique actuel, on sera naturaliste descriptif, mais on s’opposera au naturalisme prescriptif
. Pour aller plus loin, l’article de Pierre Sigler sur l’Amorce, avec un schéma qui explique ça].

Cette idée qu’il faut faire ce qui est naturel se recoupe souvent avec l’idée de considérer que des choses dénuées de volonté, comme la nature, les espèces et leur évolution, se dirigent vers un but, et que c’est une bonne chose. C’est ce qu’on appelle en biologie le langage finaliste.

On va dire par exemple que « le foie sert à éliminer les substances toxiques« , alors qu’il serait plus correct de dire que « la présence d’un foie pour éliminer les toxines a été adaptative au cours de l’évolution, et que c’est donc une caractéristique qui a été gardée au cours de celle-ci« .

C’est sûr que c’est beaucoup plus long de le formuler comme ça, et au quotidien on va souvent utiliser ce langage finaliste pour simplifier.
C’est pas grave en soi, l’important c’est surtout de savoir que quand on utilise ce langage finaliste, en disant l’estomac sert à digérer, c’est pour simplifier et qu’il n’a pas un réel but.

Dans la logique finaliste du raisonnement écocentriste, les individus se reproduisent : non pas parce qu’ils en ont le désir, ou pour d’autres raisons sélectionnées par l’évolution, mais ils se reproduisent, car ce serait le but des espèces que de survivre et faire « perpétuer leur espèce ». Mais le fait qu’ils tendent à se reproduire et à favoriser leur survie et celle de leur proche, ne dit pas que c’est leur but de faire perdurer l’espèce.

On a là un biais d’intentionnalité, on prête des intentions à des choses qui n’en ont pas. Ça peut s’expliquer par un biais d’anthropomorphisme, puisque nous, on crée des objets dans un certain but, et on a tendance à penser que d’autres choses du monde existent aussi dans un but précis.

Les arbres ne sont pas apparus pour nous fournir de l’oxygène, c’est l’inverse, l’évolution a fait qu’on s’est adapté physiologiquement à notre environnement.
La sélection naturelle a forcément fait perdurer les caractéristiques qui poussaient à se reproduire et qui favorisaient la survie. Forcément, les êtres vivants qui sont morts car n’étaient pas adaptés à leur environnement ou qui n’avaient pas des comportements de reproduction, ne pouvaient pas transmettre ces caractéristiques à leur descendance.

Donc pour résumer, ce n’est pas le but des espèces que de perdurer. Pourtant, dans le raisonnement écocentriste, on retrouve beaucoup l’idée de vouloir d’en préserver un maximum.
Les espèces ne sont pas des entités auxquelles on peut nuire, on peut nuire uniquement aux individus qui composent une espèce, ce qui est bien différent.

Parenthèse : la notion d’espèces est pratique pour catégoriser, mais elle reste un concept flou qui ne décrit pas des frontières qui existent réellement dans la nature, il est davantage correct de parler de flux spécien. Je détaille pas plus, sources en description.

On a souvent l’impression que la disparition d’une espèce nuit à tous ses membres. Mais imaginons qu’il reste 2 pandas sur terre, chacun isolés. La mort d’un d’entre eux nuit à un individu, et si ensuite meurt le dernier, ça nuit également à un individu. Le fait qu’il soit le dernier n’y change rien.

Et idem lorsqu’on fait naître de nouveaux individus. Les pandas ne vont pas tirer profit de perpétuer leur espèce ou pas. Du coup, qu’on fasse naître un nouveau panda ou un autre individu avec des ressentis identiques, ça ne change rien sur le plan moral, qu’importe qu’ils préservent l’espèce ou pas.

Là on pourrait rétorquer que les espèces sont importantes, car elles ont un rôle dans l’écosystème, et que leur disparition pourrait avoir des conséquences négatives sur d’autres espèces et d’autres individus. Et… je suis d’accord, mais dans ce cas, ce qui nous intéresse dans la survie de l’espèce, c’est l’influence que ça peut avoir sur les autres individus, et pas le fait d’être une espèce différente en soi.

Il faut bien distinguer la valeur intrinsèque des choses (qui a de la valeur en soi) et la valeur extrinsèque/instrumentale (ce qui a une valeur indirectement). La préservation d’une forêt, tout comme la préservation de la biodiversité, a une valeur instrumentale, parce qu’elle est bénéfique aux intérêts des oiseaux, qui eux ont une valeur intrinsèque.
Imaginons que l’on détruise ou fasse disparaître une forêt. D’un point de vue sentientiste, la disparition des arbres n’est pas un mal en soi, ça ne nuit pas aux arbres, puisqu’ils ne sont pas sentients.
Par contre, ça peut quand même être un problème puisque ça va impacter des individus. Les oiseaux et autres animaux qui vivaient là et qui vont perdre leur habitat ou leur nourriture par exemple, ou l’impact que ça peut avoir sur le changement climatique qui, lui, va créer de la nuisance à des individus.

Et c’est là un point important dans l’écologie sentientiste : les espèces, la biodiversité, les écosystèmes sont à prendre en compte, mais pas pour eux-mêmes. Comme dans l’exemple de la disparition d’une forêt, le problème n’est pas la dégradation de l’environnement. L’environnement, lui, il s’en moque. Le problème, c’est comment ça va affecter la vie des individus sentients qui habitent ou dépendent de cet environnement.

CONCLUSION :

Pour reprendre des exemples que j’ai cités en début de vidéo, c’est quoi le problème avec la pollution ? La sixième extinction de masse, ou le dérèglement climatique : C’est le risque de nuire gravement à des individus sentiens.

Quand on est face à des discours qui prônent l’écologie et la protection de l’environnement, essayons de voir sur laquelle de ces pensées écologistes ces discours se situent. Est-ce qu’ils visent le bien-être de tous les individus sentients ? Ou seulement celui des humains ? Est-ce qu’ils visent à défendre la vie ? Est-ce qu’ils défendent des concepts abstraits comme la nature ou la préservation d’une ou des espèces ? ou un mélange de plusieurs idées ?

C’est important pour s’assurer que la discussion ne parte pas dans tous les sens et garde un fil logique, il arrive très fréquemment que les gens passent d’une position à l’autre sans s’en rendre compte, et de manière pas très cohérente.

Je vous invite à consulter les sources pour aller plus loin, vous trouverez pas mal d’articles sur l’Amorce qui est une super revue contre le spécisme.

Si la vidéo vous a plu, vous pouvez mettre un like, commenter… Et surtout la partager à tous vos potes qui protègent avec convictions les protozoaires !
On se retrouve la semaine prochaine pour la vidéo où l’on abordera la question de l’aide aux animaux sauvages.
 

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Sources et liens :

Définition wikipédia :
Écocentrisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cocentrisme
Biocentrisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocentrisme
Anthropocentrisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropocentrisme
Sentientisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentientisme

Quels animaux sont sentients :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentience#Quels_animaux_sont_sentients_?

Le site de L’Amorce :
https://lamorce.co/

Cédric Stolz | Le respect de la nature nuit aux animaux :
https://lamorce.co/le-respect-de-la-nature-nuit-aux-animaux/
Et sa conférence sur le même sujet avec l’ association PEA :
https://www.youtube.com/watch?v=TvUZiLEycFk

Pierre Sigler qui mentionne les distinction entre naturalisme descriptif et prescriptif :
https://lamorce.co/lideologie-du-tout-social-nuit-aux-humains-et-aux-animaux/

Thomas Lepeltier sur la critique de l’écologie naturaliste, qui aborde également la question de l’intervention dans la nature :
https://lamorce.co/lecologie-va-t-elle-tuer-lantispecisme/

Richard Monvoisin sur les limites du concept d’espèce
https://lamorce.co/lespece-est-morte-vive-le-flux-specien-enjeux-epistemologiques-et-ethiques-de-la-notion-despece/

David Olivier également sur les limites de l’espèce :
https://www.cahiers-antispecistes.org/les-especes-non-plus-nexistent-pas/

La vidéo de Titzimitl qui critique également les frontières floues de l’espèce :
https://www.youtube.com/watch?v=BBTTcu-1PmU

Les virus sont-ils vivants ? | Tania Louis :
https://www.youtube.com/watch?v=iNRy6cNizE4

Les crises de la biodiversité | L’AFIS
https://www.youtube.com/watch?v=DGMC7Rfd8YI

3 vidéos de la chaîne anglophone Bebeflapula sur l’éthique environnemental :
L’anthropocentrisme : https://www.youtube.com/watch?v=OhCbzevX9Dg
Le zoocentrisme : https://www.youtube.com/watch?v=VKmjhH28BlE
Le biocentrisme : https://www.youtube.com/watch?v=PX3PfeJYpv8

Game Of Hearth sur les éthique biocentrée et écocentrée :
https://www.youtube.com/watch?v=DPBurfZ9K54

Un article de Réplique éthique sur les différentes écologies, (avec la même catégorisation qu’ici) :
https://replique-ethique.fr/ecologie-sentiocentree/
Plusieurs articles intéressants sur la déconstruction du naturalisme sur infokiosques :
https://infokiosques.net/antinaturalisme

Texte et voix : Yohann Hoarau et Léo Génin
Montage : Léo Génin
Aide et/ou relecture : Nico Salé, Cédric Stolz et Axelle Playoust-Braure