Cet article reprend le texte de la vidéo que vous pouvez trouver sur Youtube et Peertube.
Le lien vers la chaîne :
PeerPeertube : https://tube.kher.nl/c/mangayoh_channel/videos?s=1
Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCImVxjIl3rIEoQIqeDIvKfA/videos
Dans cette vidéo, on va détailler les différentes étapes de raisonnement dans la construction d’un projet politique, mais vous allez voir qu’on peut appliquer le même raisonnement à tous types de projets, bien qu’ici, on va surtout prendre l’angle de « comment rendre le monde meilleur ».
Ça me paraît vraiment important de prendre en compte ces étapes, parce que d’une part ça vous sera utile dans votre réflexion, et d’autre part, dans vos discussions et débats, ça pourra vous aider à bien distinguer sur laquelle de ces étapes vous êtes en accord ou en désaccord.
Donc, la prochaine fois que vous débattrez de s’il faut être pour ou contre l’immigration de la 5G dans les vaccins OGMs afin de sortir des abattoirs nucléaires de l’Union européenne, vous pourrez vous référer aux différentes étapes que je vais évoquer ici.
D’ailleurs, vous avez sans doute remarqué qu’il y a différentes couleurs qui reviennent à plusieurs reprises dans les miniatures des vidéos, et il se trouve que je n’ai toujours pas expliqué ce code couleur, et ce sera l’occasion de le faire puisqu’il correspond aux différentes étapes que je vais détailler ici.
Partie 1 – Nos objectifs : Que faut-il faire / Que veut-on faire ?
La première étape, ça va être celle qui consiste à déterminer nos buts. Donc quand on veut améliorer le monde, ce sera l’étape où on va se questionner sur « qu’est-ce que c’est “un monde meilleur” ? ». Ça fera donc appel à des questions de philosophie morale pour déterminer qu’est-ce que ça peut vouloir dire un monde meilleur, c’est quoi les critères qu’on va utiliser pour déterminer qu’une situation est meilleure qu’une autre.
Si on se donne un but davantage égoïste qu’altruiste, là la question se posera moins en termes de morale, mais plutôt en « qu’est-ce qui est le mieux pour soi ».
D’ailleurs j’évoque ici les buts personnels qu’on peut se fixer, mais on peut très bien distinguer nos buts (qu’est-ce que je veux faire), de la morale (qu’est-ce qu’il faudrait faire), et forcément, ça pose la question de s’il y a des vérités morales en dehors de ce qu’on pense, est-ce que les questions de morales sont de l’ordre du factuel, ou simplement de l’opinion ou de l’appréciation personnelle ? On reviendra là-dessus dans la vidéo où on abordera la méta-éthique.
Si lors d’une discussion, vous n’êtes pas d’accord sur la morale avec votre interlocuteur·ice, ou que vous n’avez pas le même but, ça ne servira à rien de dire « regarde, il faut défendre telle idée politique parce qu’elle aura de bonnes conséquences », puisque “bonnes conséquences”, ça n’aura pas forcément le même sens pour vous et pour l’autre personne.
Donc mieux vaut d’abord débattre de morale, de qu’est-ce qu’on considère comme plus souhaitable en soi. Il faudra alors bien distinguer la valeur intrinsèque des choses, et la valeur extrinsèque, ou instrumentale. Par exemple, d’un point du vue utilitariste, la souffrance a une valeur intrinsèquement négative, mais le réchauffement climatique a une valeur uniquement extrinsèque. Le réchauffement climatique n’est pas un problème en soi, il est un problème uniquement parce qu’il impacte des individus, et qu’on considère que cet impact est négatif.
Sur cette chaîne, cette première partie correspond aux vidéos en bleu. C’est dans celle-ci que je parle surtout de philosophie morale. Dans la première vidéo, j’avais par exemple expliqué pourquoi, moralement, je considère qu’il faut prendre en compte les intérêts des individus sentients. Et dans la troisième, je défendais l’idée qu’un monde meilleur, c’est un monde où il y aurait plus de bonheur et moins de souffrance. Pour suivre le reste de cette vidéo, peu importe que vous soyez d’accord ou non sur mes prémisses morales, l’important ici c’est surtout le raisonnement.
Partie 2 – Connaître / comprendre le monde
Dans cette deuxième partie, il s’agit d’avoir une vision du monde la plus conforme possible à ce qu’il est vraiment. Notre but s’inscrit dans un certain contexte, qu’on gagne à connaître et comprendre. Cette partie, elle concerne tout un tas de choses factuelles sur le monde : ça peut être des questions de physique, de biologie, de psychologie, etc. tout ce qui nous aide à mieux connaître le monde.
Je vais prendre un exemple trivial pour illustrer, si votre but c’est de vivre longtemps et heureux·se, il sera préférable de savoir que boire du pétrole ou chuter d’une falaise nuirait à ce but. Bon et si je prends des exemples moins absurdes, étudier la nutrition et la biologie vous donnera des connaissances qui vous aideront à rester en bonne santé.
Si on a un but moral, du genre vouloir le bien des autres, il sera intéressant d’avoir des données sur : qu’est-ce qui cause des nuisances, et qu’est-ce qui est bon pour les individus ? Si on veut diminuer les souffrances, forcément, il nous faut savoir quelles sont les causes de ces souffrances. Et ces sources de nuisances sont contextuelles, elles peuvent varier suivant les lieux et les époques, et connaître celles qui sont actuelles nous permettra de savoir contre quoi il faut lutter.
Quand on veut défendre les intérêts des individus sentients, ça pose aussi la question « quels êtres sont sentients ?», une question qui mêle psychologie et biologie. Ça déterminera ensuite qui est-ce qu’on prendra en compte dans la lutte. Dans cette deuxième partie, on a donc une grande diversité de connaissances à prendre en compte, je ne peux pas être exhaustif, mais en gros, ce sera tout ce qui pourra nous être nécessaire de connaître pour agir mieux ou agir selon certains buts.
Sur le code couleur, cette partie correspond aux miniatures en rouges, qui sont surtout de la psychologie et de la sociologie, pour analyser la société, les comportements des individus, les interactions sociales, etc. et au final avoir une compréhension des oppressions : comment elles se mettent en place, comment elles se maintiennent, et comment les déconstruire.
Et bien que le contenu de cette partie soit purement factuel et objectivable, ça ne veut pas dire qu’il est neutre. Le fait de vouloir se renseigner sur un sujet plutôt qu’un autre est déjà un certain parti pris, puisque ça correspond à un certain désir, ou à un certain objectif, moral ou pas. Par exemple, si vous vous renseignez sur la balance bénéfices/risques des vaccins, c’est sûrement que vous partez du principe que c’est préférable d’avoir une population en bonne santé.
Et on va maintenant passer à la troisième étape, celle qui découle logiquement des deux premières.
Partie 3 – Comment changer les choses ?
Cette partie va questionner ce qu’il serait désirable et possible de faire – ou pas – en fonction du contexte. Par exemple, si on considère que c’est une bonne chose que les gens soient en bonne santé (étape 1), alors on va se demander qu’est-ce qui nuit à la santé des gens (étape 2), et à l’étape 3 on va conclure sur ce qu’on peut faire pour améliorer les choses en fonction de ça.
Donc, dans cette partie, on va d’abord questionner ce qu’il serait préférable de changer dans l’idéal, puis ce sur quoi on va réellement avoir de l’impact. En gardant les exemples déjà donnés, je veux par exemple un monde où les gens vivent heureux et en bonne santé, au vu de ce que je connais du monde, je pourrais dire : il faudrait faire disparaître telles et telles maladies, il faudrait que tout le monde soit bienveillant, il faudrait que toutes les oppressions disparaissent, etc.
Ce raisonnement est cohérent, mais la question qui vient alors, c’est : qu’est-ce que je peux vraiment faire pour que les choses changent à ce niveau ? Moi j’ai pas le pouvoir de transformer les gens, ni de faire disparaître des virus. Je ne peux pas non plus faire disparaître la pauvreté, et encore moins appuyer sur un bouton magique qui rendrait tout le monde heureux. Il y a alors des questions de stratégie à prendre en compte. Et idem avec les objectifs plus égoïstes, vous ne pouvez pas en un claquement de doigts obtenir tout ce qui vous ferait plaisir.
Dans cette troisième étape, on va donc distinguer ce qu’il faudrait idéalement faire, et ce qu’on peut réellement faire, en fonction de nos moyens.
Là on en arrive à une phase qui peut être vite décourageante où on peut se sentir assez démuni·e. Parce que quand on constate qu’il « suffirait » de changer telle ou telle chose pour que le monde soit meilleur, ce qu’il faudrait idéalement faire, ça donne de l’enthousiasme, on a envie que tout change au plus vite. Et quand on s’aperçoit qu’en fait, on a peu de poids là-dessus, ça démotive.
Les questions de stratégie, elles sont essentielles dans le militantisme, parce que sans elles, on peut soit, se démotiver parce qu’on ne sait plus quoi faire, soit persévérer dans des actions qui ne sont pas très efficaces.
Souvent, quand on a une cause qui nous tient à cœur, on s’engage tout de suite à faire plein d’actions. Et, c’est chouette, mais si on ne pèse pas la portée et l’efficacité de chaque action, on peut vite se retrouver à dépenser beaucoup d’énergie dans des actions peu efficaces.
Alors que si on veut que les choses s’améliorent au maximum, on devrait vouloir optimiser notre investissement pour qu’il ait un maximum de conséquences positives. Il faut bien se dire que sur la diversité d’actions qui s’offrent à nous, il y en a certainement des plus efficaces que d’autres, et peut être même que certaines sont contre-productives, et il faut donc qu’on réfléchisse à ça.
Si vous connaissez l’idée de l’altruisme efficace, vous devez avoir remarqué que le raisonnement que je développe ici s’inscrit dans cette logique. Si on veut rendre le monde meilleur, alors, pour une même quantité de temps, d’argent, et de ressources données en général, autant privilégier les actions qui auront le meilleur impact sur le monde. Le militantisme, ça sert pas juste à se donner bonne conscience, ça sert surtout à être efficace dans la lutte qu’on défend.
Et si vous ne connaissez pas l’altruisme efficace, vous pouvez aller voir ce que propose l’association Altruisme Efficace France, leur site et leur vidéo d’introduction sont en barre d’info.
La vidéo sur les dilemmes moraux correspond bien à cette troisième étape puisqu’elle prend en compte ce qui a été dit dans les 3 vidéos qui la précèdent. Du coup la voilà avec la couleur des vidéos stratégies. Donc : les vidéos qui prendront en compte les changements à faire selon l’étape 1, en fonction des connaissances qu’on a du monde selon l’étape 2.
Partie 4 – Comment acquérir des connaissances et raisonner logiquement ?
Et on en vient à la quatrième étape, celle de « comment obtient-on les connaissances ?», qui relève des questions de méthodologie, de logique et d’épistémologie.
C’est un peu une méta-étape, parce qu’elle n’arrive pas après les autres, mais elle est là tout le long. Du coup, c’est sûrement la plus importante, car toutes les autres dépendent d’elle.
Sur la chaîne, cette méta-étape correspond aux vidéos en noir et jaune. Celle-ci en fait partie puisqu’elle vise à structurer nos raisonnements.
Dans la première étape, où on va par exemple parler de philosophie morale, il sera essentiel d’avoir un raisonnement logique pour que notre pensée soit cohérente, pour qu’on se rende compte s’il y a contradictions, etc. Connaître les arguments et raisonnements fallacieux, les différentes erreurs de logique, va bien nous aider à construire un système moral solide et cohérent.
Et quand on veut connaître des choses factuelles, comme dans la deuxième étape, les questions de méthodologie vont être indispensables. La connaissance, ça peut pas sortir de nulle part, il nous faut cette méthodologie.
Dans la troisième partie, là encore, la connaissance de la logique et des différents biais cognitifs pourra nous aider à rester cohérent·e par rapport aux deux étapes précédentes.
Il est vraiment essentiel de savoir où on se place dans ces étapes. Beaucoup de débats vont dans tous les sens à cause de la confusion de ces étapes. Souvent, on confond l’étape 1, ce qui est souhaitable en soi, (donc ce qui a une valeur intrinsèque), et l’étape 3, ce qui est souhaitable indirectement (ce qui a une valeur extrinsèque ou instrumentale).
Je reprends l’exemple que j’ai donné tout à l’heure, quand je dis qu’il est préférable de diminuer la souffrance, je pense que c’est souhaitable en soi, ce n’est pas souhaitable parce que ça permettrait autre chose, donc on est bien dans l’étape 1. Mais si je dis, il faudrait diminuer les gaz à effet de serre, ça a une valeur extrinsèque, ça l’est parce que ces gaz participent au réchauffement climatique (étape 2), qui lui va entraîner beaucoup de souffrances, (toujours étape 2), et cette souffrance est problématique (là on est sur l’étape 1). Mais le réchauffement climatique c’est pas un problème en soi, c’est un problème indirectement, suivant les prémisses morales qu’on définit à l’étape 1.
Un autre exemple : l’argent permet d’élever le niveau de vie et d’accroître le bien-être des individus, mais c’est bien ce dernier point qui est essentiel. L’argent n’a pas de valeur intrinsèque, il a une valeur instrumentale, et on sait que l’effet positif du niveau de vie sur les individus a un seuil, donc au-delà de ce seuil, il n’y a pas d’intérêt à ce que les gens aient plus d’argent. Avec ce raisonnement, on peut donc conclure que, si on veut le bien-être des individus, alors il faudrait considérablement réduire les inégalités.
Toujours avec l’exemple économique, la croissance économique, avec le PIB, est un très bon exemple de confusion dans ces différentes étapes. Là où elle était d’abord un indicateur du niveau de richesse, donc indirectement du niveau de vie puis encore indirectement du bien-être, la croissance du PIB est devenue un objectif en soi.
Sauf que si on prend en compte le PIB seul et pas ce qu’il engendre, alors vendre des armes c’est bien, de même que détruire des trucs et les reconstruire ensuite, ça sert à rien mais ça participe au PIB, donc si on regarde que cet indicateur, ça donne l’impression d’être chouette !
Et toujours dans cette distinction entre les buts et les moyens pour l’atteindre, on peut distinguer le fait d’être opposé à quelque chose, souhaiter que cette chose diminue ou n’existe plus, avec le fait d’être favorable à son interdiction. En pratique, interdire n’est pas forcément la meilleure manière de lutter contre quelque chose.
CONCLUSION :
Pour résumer les étapes du raisonnement :
On part d’une base morale, on a ensuite des connaissances sur le monde, puis on en conclut ce qu’on pourrait faire pour changer ce monde positivement, et sans oublier le plus important, l’étape de méthodologie et de logique pour vérifier chacune de ces prémisses, et le lien logique entre elles et les conclusions.
Dans vos débats, je vous invite à vous référer à ces étapes pour comprendre où sont les désaccords, mais aussi pour recentrer le débat sur la thèse de départ. Souvent, les discussions ne suivent pas un fil logique, ça va dans tous les sens en faisant une sorte de mille-feuille argumentatif sans évaluer la pertinence de chacun d’entre eux par rapport à la thèse de base.
Par exemple, quand on débat de la cause animale, beaucoup de discours sont souvent assez peu cohérents, avec notamment des situations où sera défendue l’idée qu’il ne faudrait pas se préoccuper moralement des animaux, mais juste ensuite on va dire que les animaux ne souffrent pas dans les élevages et les abattoirs. Alors que si on considère que la souffrance animale n’a pas d’importance, la question de s’ils souffrent ou pas n’a aucune importance non plus. On devrait poser cette question de leur souffrance que si on s’est préalablement mis d’accord sur la thèse sentientiste.
Donc dans vos discussions, je vous invite à toujours remonter jusqu’à la première prémisse sur laquelle vous êtes en désaccord, en questionnant par exemple : quel est le problème avec telle idée ? Elle a telle et telle conséquence ? C’est quoi le problème de ces conséquences ? Et ainsi de suite.
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Mes différentes vidéos :
Philosophie morale :
1 : Quel critère pour discriminer
3 : L’utilitarisme, le meilleur système moral ?
Comprendre le monde social :
2 : Théorie de l’engagement et dissonance cognitive
5 : Qu’est-ce qui nous détermine
8 : En finir avec la théorie du genre
9 : Aphrodisme : Le poids de la minceur et de la beauté
Comment changer le monde :
4 : Comment résoudre les dilemmes moraux
Comment acquérir les connaissances et raisonner logiquement :
6 : Introduction à la démarche scientifique
7 : Les chakras existent-ils ? Expérience de zététique
10 : Construire un projet politique en 4 étapes
Altruisme efficace :
Vidéo d’introduction à l’altruisme efficace :https://www.youtube.com/watch?v=kCzlrg3lHrI
Altruisme Efficace France :https://www.altruismeefficacefrance.org/
Altruisme Efficace International : www.effectivealtruism.org
Critique du PIB :
Vlanx:
https://www.youtube.com/watch?v=psM_8ZVGUtE
Heu?reka & Le Réveilleur :
https://www.youtube.com/watch?v=z0KK0uaXfLE
https://www.youtube.com/watch?v=pwcRoTcPPYg
Seuil de bonheur au bout d’un certain niveau de vie :
https://www.purdue.edu/newsroom/releases/2018/Q1/money-only-buys-happiness-for-a-certain-amount.html
https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371%2Fjournal.pone.0079358
Vlanx : https://www.youtube.com/watch?v=YcVYEoenp1U
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